Notice de Sœur Victorine PUGES (Sr Françoise)
Miséricorde d'ALEXANDRIE - 5 Mars 1896
69 ans d'âge, 46 ans de vocation
Elle était une âme simple, droite, régulière, infatigable au travail; ses vertus et son extérieur rappelaient le type de ces bonnes filles de la charité des temps primitifs. Toujours exacte au lever de quatre heures, elle n'acceptait pas le repos de la semaine, se réservant d'ouvrir la porte principale, afin de ne pas priver sa compagne de ce soulagement qui lui était nécessaire, disait-elle, et dont elle, au contraire, se passait si facilement. Alors même qu'elle ne marchait qu'à l'aide de béquilles, dès 4 heures un quart on entendait leur "toc-toc" sur les soixante marches de l'escalier! La charge du ménage ne l'empêchait pas de se rendre exactement pour faire la classe à près de quatre-vingts enfants. Lorsqu'on se hasardait à lui adresser une parole inutile : "Allons, disait-elle, ne me faites pas perdre mon temps, il me manquera ensuite, et les enfants m'attendent." Elle disposait tout avec tant d'ordre et de propreté qu'on n'avait pas de peine à voir que l'esprit de foi la faisait agir. Souvent on l'a entendue dire "Je travaille ici pour les épouses de Notre-Seigneur."
Sa piété était de celle que rien ne fait varier. Très occupée durant la semaine elle se dédommageait le dimanche en passant tous ses moments disponibles à la chapelle. Les cérémonies de l'Eglise lui allaient tant au cœur qu'elle s'y délectait. Malgré ses soixante-dix ans la première arrivée, elle y chantait de toutes ses forces, et, ne pouvant plus marcher qu'à l'aide de béquilles, elle bravait tout respect humain. Quand elle fut condamnée à l'immobilité, elle disait avec résignation: "Mon plus grand sacrifice est de ne plus pouvoir assister aux offices. Dieu sait combien je les aimais! trop peut-être! C'est pour cela que le Bon Dieu m'en veut priver maintenant.
Pendant les quarante deux années qu'elle est restée à Alexandrie, elle a passé sous la conduite de plusieurs sœurs servantes; elle a toujours été la même pour toutes, une fille soumise, dévouée, pleine de franchise et d'esprit de foi dans ses rapports avec l'autorité.
Elle ne supportait pas qu'on parlât mal de personne; et quand elle remarquait des manquements réitérés dans une jeune compagne, elle lui adressait une admonition qui était toujours prise en bonne part.
Notre chère sœur avait le talent de relever les courages. "Laissez donc courir, tout s'arrangera", disait-elle, et ses paroles étaient accompagnées de l'exemple. Il fallait bien se garder de dire le moindre mal de ces enfants; à ses yeux, elles étaient toutes bonnes.
Quelle peine ne se donnait-elle pas pour leur inculquer l'amour de Notre Seigneur Jésus-Christ et de son Immaculée Mère ! Au moment de la première communion elle redoublait d'ardeur, et on l'a vue verser des larmes sur les misères de tous genres des pauvres d'Alexandrie.
L'avant-veille de sa mort, la voyant s'affaiblir, sa sœur servante lui dit : "Ma sœur Sophie, vous êtes bien malade, n'est-ce pas? Ne désirez-vous pas revoir votre confesseur ce soir, vous seriez plus tranquille cette nuit? - Le bon Dieu fera comme Il voudra, ma sœur, répondit-elle, mais je suis toute prête à mourir."