Notice de Soeur Jeanne Miller (Connue à Tripoli par Sr Monique)

1918-2010



Dimanche dernier, depuis une semaine, nous étions réunis dans la chapelle, pour célébrer le jubilé de soixante ans de vocation de Sr Gabriel et de Sr Maeve. C’était la fête du Corps du Christ, le corps et le sang du Seigneur. Ce que nous ignorions, par la suite, c’est que nous célèbrerions aussi le jour du départ au ciel, de Sr Jeanne Miller, pour rencontrer Dieu et Jésus, non pas dans la communion ici-bas, mais dans un face à face et pour l’éternité. Sr Jeanne était présente à la messe et peut-être aussi au repas de fête ou Dieu intervint et l’invite au banquet éternel ; ainsi Jeanne est partie.
Elle fit une belle mort, paisible, douce et assistée par les soins affectueux et les prières des sœurs de sa communauté, qu’elles ont accompagnée en chantant le refrain : « Que les chœurs des anges viennent vous recevoir, qu’ils vous conduisent au paradis ». Ce fut un moment émouvant partagé avec Kathy et Sharon membre du personnel qui s’occupaient de Sr Jeanne : un moment de douce tristesse où nous disions adieu à notre chère sœur qui était préparée et prête pour ce moment attendu impatiemment.
Jeanne est née en 1918, à Gibraltar où son père, Francis, était au service civil. Elle avait une sœur aînée Claire, et deux frères, Donald et Aiden. Claire est morte, il y a déjà quelques années, mais Jeanne parlait souvent de ses frères, Donald et Aiden, et de ses belles sœurs Mary et Sheila. À cause des occupations de son père, la famille a dû se déplacer souvent, ils vivaient à Gibraltar, en Angleterre, aux Bermudes et à Malte. Quant à sa maman, Geraldine Bulbeck, elle prenait soin de la famille et y veillait à tout moment.
Des années plus tard, la maman est décédée chez nos sœurs à Edmonton.
Jeanne fréquenta l’école à St Mary’s Beschille, jusqu’à l’âge de huit ans mais elle disait qu’elle n’avait jamais aimée l’établissement parce que c’était rigoureux. Aussi elle alla à l’école à Gibraltar et à Malte.
Nous ignorons comment Jeanne a eu contact avec les Filles de la Charité mais en 1937, à l’âge de 19 ans, elle entra en communauté, elle est alors envoyée à Darlington le 24 mai 1939, cela coïncidait avec son 21ème anniversaire.
Après un an avec les enfants, elle fut nommée à « Mount Pleasant College » à Liverpool, pendant la première guerre mondiale pour faire ses études à l’école normale.
Elle a été qualifiée en 1942. Elle enseigna d’abord à Kilburn et à « Residential School » à Mill Hill, puis revient pour quelque temps à Liverpool, en allant à « Tollcross » à Glasgow où elle enseignait les enfants aveugles pendant quelques années.
En 1948, Jeanne se porta volontaire pour la mission d’outre-mer et fut désignée pour la Chine, mais ce choix a été muté vu la situation politique du pays, et ainsi elle débarqua au Liban pour Tripoli, à bord d’un bateau nommée « La Providence ».
Pendant 28 ans, Jeanne fut rattachée à la Province du Proche-Orient et depuis ne retourna en Angleterre que pour de brefs séjours pour visiter sa famille. Aussi elle a actualisé les paroles de St Vincent : « une Fille de la Charité n’est ni pour ce lieu, ni pour un autre, mais pour là où l’obéissance l’envoie.
Lundi dernier, en consultant le dossier de Sr Jeanne, j’étais étonnée de lire, en sommaire quelques lignes de ce qu’elle a fait au Liban pendant 28 ans : « enseigner l’anglais et avait des ateliers pour les femmes pauvres celles dont elle avait la charge ».
Néanmoins, Sr Jeanne a pris soin des détails, parce qu’une des choses qu’elle a préparé pour sa mort était en laissant une note dans le registre de Mill Hill, qu’en cas de décès, avertir les sœurs du Liban, ce que nous avons fait lundi dernier et dont je suis heureuse de l’avoir accompli.
Voici le contenu de l’email que nous avons reçu de Sr Ann Sauvé, au nom de Sr Vincent ALLOUAN, Visitatrice du Province du Proche-Orient:
«C’est avec une grande tristesse que nous recevons la mort de Sr Jeanne. Beaucoup de Sœurs ici se souviennent d’elle avec grande affection. Aujourd’hui et durant le repas de midi, toutes les Sœurs qui l’ont connu ont partagé des histoires se rapportant à leur expérience avec elle. Moi-même, je l’ai rencontré quand je suis arrivée des Etats Unis dans la Province en 1976. Sr Miller était, en ce temps-là, à l’hôpital de Bhannes où j’étais nommée. Elle se refugiait avec d’autres Sœurs de sa communauté, à Bhannes car c’était le début de la guerre civile et il y avait beaucoup de bombardements dans la région de Tripoli. J’étais jeune, nouvelle dans la Province et j’avais peur, je m’exprimais très peu en français, alors je n’oublierai jamais la gentillesse et l’attention de Sr Jeanne qui m’a aidée à m’adapter à ma nouvelle situation. Au nom de toutes les Sœurs, je peux dire que nous serons toujours reconnaissantes pour tout ce qu’elle a fait pour l’apostolat dans notre Province ; la plupart des sœurs sont aussi reconnaissantes pour la personne qu’elle était, elle nous encourageait par ses réflexions et par sa présence.
Soyez assurées de nos prières à ses intentions, à celles de sa famille et pour toutes les sœurs qui souffrent de son absence. »

Durant une semaine depuis son décès, nous avons encore reçu autres messages d’appréciation des sœurs qui ont connues et qui ont aimées Sr Jeanne.

Sr Jeanne est rentrée définitivement dans la Province de Mill Hill en 1976, à l’âge de 58 ans et elle a passé un moment de réadaptation à Liverpool, Peterborough et Cricklewood, puis elle est allée à Earling où elle a passé un certain temps.
En 1982, elle fut affectée à la Maison Provinciale et c‘est là que pendant 17 ans, plusieurs d’entre nous, avons appris à la connaitre. Nous découvrons alors son bon sens, ses manières franches, sa volonté de tendre la main là où elle peut être utile, sans oublier les petits cadeaux réalisés de sa propre création et la proterie si expressive qu’elle fabriquait.
Elle continua à écrire, ainsi elle publia une série de 6 volumes « Learning English », « Apprendre l’anglais ». En 1986, elle a publié « Grassroots to God, Enracinement en Dieu », suivi par « Prophets of Joy, Prophètes de joie », « Fortune Found, Base de la richesse », « The Wind Blew Merrily, Le Vent souffle gaiement ».
En 1999, Sr Jeanne s’est officiellement retirée à Dover, en continuant à s’intéresser à tout, et en 2004, elle vint ici à Warley et Seton Unit. Comme elle vieillissait, plusieurs d’entre nous lui tenions compagnie dans ses jeux de patience, un jeu appris par sa maman, spécialement que sa surdité augmentait graduellement ainsi elle devient entièrement sourde. Elle a toujours eu un beau sourire et elle a bien accueilli une conversation en tête-à-tête, mais elle a pris soin de ne pas surcharger le groupe de sa surdité - "je suis vieille", elle disait : "à quoi voulez-vous vous attendre ?".
Ses derniers mois ont été marquées par son bon sens et sa force d’âme pleine d’une foi profonde. Elle attendit calmement son ultime départ. Avec patience elle alignait un jeu de puzzle ou bien, enfilait longuement des Médailles Miraculeuses. Elle s’est toujours comportée avec dignité, sans jamais se plaindre, remerciant pour les moindres services faites pour elle. Elle a accepté pacifiquement les derniers jours de sa vie, et elle devint pour celles qui l’accompagnaient un « Prophète de joie ».
Jeanne adorait sortir dans la voiture « Boot Sales », foires d’été et foire de Noel et elle était attentive aux bonnes affaires. Ce n’était pas étonnant alors, quand elle a regardé de la fenêtre de sa chambre pendant que la « Ligue d’Amis » préparait la fête d'été le samedi 4 juin, elle a soudainement déclaré qu'elle voulait aller voir ce qui se passait – et elle est partie.
Dimanche matin, elle eut un malaise alors qu’elle se préparait pour la messe, durant laquelle on lui porta la communion, elle reçut ainsi le Seigneur pour la dernière fois, c’était la fête du Corps du Christ le 6 juin 2010.

Dans son livre « Prophètes de joie », publié en 1989, au dernier paragraphe du dernier chapitre intitulé « Just Waiting, Juste En Attente », Sr Jeanne écrit:
« Maladies et souffrances, les avant-coureurs de la mort, nous disent que nos bagages ont été expédiés avant nous. Comme un ami nous attend sur le quai, monte dans le chariot et sort nos affaires un à un, alors Jésus entre dans notre vie et prend ce qui nous concerne - notre santé, notre force, notre ouïe, notre vision, notre mobilité, notre mémoire et plus encore… et nous, faibles de foi, craignons les perdre pour toujours. En vérité, c’est pour faciliter notre désencombrement pour arriver à destination, qu’ils ont été expédiés avant nous. Ainsi allégés de nos fardeaux, nous pourront librement nous jeter dans « ses bras » et « la mort devient une communion » (le Milieu Divin, Teilhard de Chardin) et pas seulement une communion mais le début d'une extase qui ne finit jamais et toutes nos attentes disparaissent ».

Chère Sr Jeanne, votre attente a pris fin, puissiez-vous rencontrer ceux que vous avez servis fidèlement pour plus de 72 ans en Fille de St Vincent et de Ste Louise, alors votre extase sera éternelle.

Sr Marie Raw
Provincial
à la messe des funérailles
14 Juin 2010

Traduit de l’anglais.


Histoires de charisme



Les Filles De La Charité - Proche Orient © | Mentions légales | liens utiles